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Affichage des articles du 2019

Notes préparatoires sur Rancière

En préparant ces quelques notes, j’ai tenté de réfléchir un peu à ce qu’avait été mon rapport aux écrits de Rancière. Je suis tombé sur Rancière, un peu au hasard, dans le cadre d’un cours, au Collège universitaire dominicain, avec Maxime Allard; cours qui portait sur l’École de Francfort et la question de l’émancipation. En vue d’une présentation, Maxime me suggéra, ou bien peut-être était-ce le titre du livre qui m’intrigua, Le maître ignorant de Jacques Rancière. Ce ne fut pas une révélation, ni un coup de cœur, mais, plutôt, une expérience bizarre, renversante. Le titre même…un maître qui ne sait rien. Déjà – ou désormais – l’anti-platonisme de la formule était criant. Pour Platon, l’ignorant ne peut pas être le maître de la même manière qu’il ne peut pas être un homme de bien. L’anti-platonisme déjà, cependant, se doublait d’un socratisme presqu’orthodoxe, presqu’ordinaire. Pour Rancière, le maître ignorant, le « maître émancipateur », ne transmet pas son savoir. Le rap...

Aristote et la question de l'égalité

La politique d’Aristote fait-elle la promotion de l’égalité? Prenons la question au mot. Afin d’y répondre, il faut, d’une part, bien comprendre ce qu’est l’égalité, et ce qu’elle n’est pas. En effet, l’égalité dont parlera Aristote n’est pas à comprendre comme cette égalité en dignité et en droits de tous les êtres humains, en tant qu’être humain, qui marquera l’imaginaire politique de la modernité. L’égalité aristotélicienne n’est pas une notion universelle, mais bien exclusive et marginale, puisqu’elle ne s’applique qu’aux hommes libres d’une cité donnée – à l’exclusion notamment des femmes, des enfants et des esclaves. D’autre part, il faut comprendre ce que cela veut dire pour une chose de « faire la promotion » d’une autre chose. La politique d’Aristote est une réflexion sur les différents types de régimes politiques, ainsi que de leur forme dégénérée respective. Certes, Aristote défend un régime en particulier qu’il qualifie d’« idéal », la république mod...

Rancière, le temps et la politique

Une importance intuition de la pensée rancièrienne de l’émancipation pourrait s’exprimer ainsi : l’émancipation, ce n’est qu’une question de temps . Que ce soit très tôt, dans Le philosophe et ses pauvres (1983), ou très tard, dans « Une existence peut en cacher une autre » (2014), un thème revient : le temps, et la capacité émancipatrice que représente le fait de prendre le temps que, prime abord, nous n’avons pas. L’émancipation selon Rancière s’articule en ce sens autour d’un écart entre la prise de possession d’un temps et l’idée d’un temps duquel nous sommes dépossédés.               Rancière élabore, tout d’abord, cette relation entre temps et politique à partir d’un retour à la philosophie grecque, notamment à Aristote et Platon. Tant pour l’un que pour l’autre, le temps qui est dédié à la politique s’oppose au temps dédié au travail; ceux qui dédient leur temps au travail ne sont pas les même...

Kant, Rancière, et l'analytique du beau

Si plusieurs commentateurs ont su voir l’importance de « l’esthétique transcendantale » kantienne dans la pensée politique de Rancière, il faut cependant reconnaître que sa pensée s’inspire également « l’analytique du beau » de la Critique de la faculté de juger  ». En effet, le caractère désintéressé de l’expérience esthétique que décrit Kant, ainsi que l’Idée du sensus communis à laquelle se rattache cette expérience sont toutes deux décisives afin de comprendre ce que Rancière a en tête lorsqu’il parle de la dimension esthétique de l’expérience politique. Ceci est d’autant plus vrai que du Philosophe et ses pauvres (1983) à « Une existence peut en cacher une autre » (2014), Rancière maintient que c’est l’expérience esthétique qui est au cœur du mouvement de l’émancipation sociale. Cette filiation entre esthétique (kantienne) et politique est, en ce sens, une idée qui traverse le projet philosophique de Rancière, du début à la fin.  ...

Rancière, la politique et l'esthétique

Une bonne partie de la réflexion de Jacques Rancière s’articule autour d’un intérêt pour les liens qu’il est possible de tisser entre esthétique et politique. Tisser des liens, ici, ne veut pas dire, cependant développer un système de pensée possédant deux parties : une partie politique et une partie esthétique. Il s’agit plutôt de rendre compte de leurs points d’intersection et de disjonction. Ceci amène Rancière à dire des choses plutôt énigmatiques par rapport à la politique. Notamment qu’elle aurait, à son fondement, une dimension esthétique. Et ceci ne serait pas une chose nouvelle, ou un récent développement de la politique. Il ne faut donc pas lire Rancière comme prolongeant les réflexions de Benjamin sur l’esthétisation de la politique à l’âge moderne. L’esthétique et la politique seraient, bien au contraire, un « couple fondateur ». Ainsi, afin de pouvoir réellement comprendre la pensée politique de Rancière, on ne peut pas faire l’économie de la compréhension ...

Platon et sa critique de la démocratie

Pourquoi le démos ne peut-il pas participer au pouvoir politique selon Platon? La critique platonicienne de la démocratie s’articule autour d’au moins trois idées, les deux dernières étant intimement liées. Tout d’abord, autour d’une certaine compréhension de la politique comme étant un art rattaché à une science particulière qui nécessite une éducation rigoureuse et difficile. Or, et c’est le deuxième point, ce n’est pas tout le monde qui est apte à entreprendre avec succès cette éducation. Il faut posséder une certaine disposition, un certain nombre d’aptitudes naturelles; aptitudes et disposition qui ne sont pas données à tous et à toutes (IV.414-417). La conception platonicienne de l’art politique se double donc d’un principe anthropologique inégalitaire : certains sont aptes et d’autres inaptes à l’éducation politique et au gouvernement de la cité (V.474c). Et ce principe anthropologique inégalitaire entraîne un principe fonctionnaliste d’organisation de la société...

Les flammes d'une horreur humaine et médiatique

L’évènement est horrible. L’histoire, tragique. La nouvelle, brutale. Une maison en feu, 7 enfants syriens brûlés, perdus, arrachés à la vie. Une famille déchirée par la flamme. En fuyant la Syrie, cette famille avait beau avoir réussi à échapper à l’horreur, celle-ci réussi à les frapper au cœur même de leur nouvelle vie, de leur nouvel espoir. Malgré tout, un autre feu brûle, et une autre horreur se propage. Les réseaux sociaux sont son foyer, la xénophobie ordinaire, son combustible. Eric St-Germain qui écrit : « 7 de moins ». Jhonny Maddog, « J’aurais pas fait mieux. Bon débarras ». Labine Johanne, « désolé e pour les enfants, mais bi e n é coeuré e de pay er pour eux, moi ». Je leur ai rendu le service de la correction syntaxique. TVA a retiré l’article depuis, jugeant que certains des commentaires étaient « inacceptables », ce qu’ils sont. D’une certaine manière, c’est rassurant : finalement , en retirant cet article et les ...